La croyance populaire veut que tous les projets qui touchent au développement durable, notamment la construction durable, soient plus chers que les pratiques conventionnelles. Même si de nombreux facteurs apparaissent comme des raisons suffisantes pour affirmer cela, certaines écoles pensent que la marge financière supplémentaire appliquée à un projet vert est très étroite, voire négative. Alors construire vert est ce vraiment construire plus cher ?
A travers cet article, nous vous présenterons d’abord les différents coûts applicables à la construction d’un bâtiment vert. Puis, nous exposerons les facteurs agissant sur ceux ci avant, enfin, de donner des recommandations pour baisser le coût de la construction durable.
Qu’est ce que la construction durable ?
Avant de pouvoir donner les différents coûts qui s’appliquent à notre sujet, il faut bien sûr en avoir une définition la plus complète possible. Nous avons retenu celle du United States environnement Protection Agency :
La construction durable est la pratique consistant à créer des structures et à utiliser des processus qui sont responsables sur le plan environnemental et efficaces en termes de ressources tout au long du cycle de vie d’un bâtiment, de l’implantation à la conception, en passant par la construction, l’exploitation, la maintenance, la rénovation et la déconstruction. Cette pratique élargit et complète les préoccupations classiques de conception de bâtiments en matière d’économie, d’utilité, de durabilité et de confort. La construction durable est également connue sous le nom de construction écologique ou à haute performance.
Avec cette définition nous avons une approche exhaustive de ce qu’englobe la construction durable et pouvons maintenant nous plonger dans les différents volets financiers qu’elle soulève.

Les différents coûts liés à la construction
Dans le secteur de la construction, les projets engendrent une variété de coûts. Pour simplifier leur analyse, nous les avons répartis en deux catégories :
Les coûts directs: ce sont toutes les dépenses engagées pour mener des actions tangibles. Ils comportent entre autre l’achat du terrain, le matériel, la main d’œuvre, les frais généraux du projet tels que les loyers pour les bases vie et l’essence pour les déplacements. Ils représentent généralement entre 80 et 98% des coûts du projet.
Les coûts indirects: ce sont tous les coûts qui ne sont pas liés à des réalisations physiques mais qui sont nécessaires à l’administration du projet. Ils englobent les frais administratifs, les prestations intellectuelles, la mise en service, le marketing et les taxes. Ils représentent une part plus faible de l’investissement constituant entre 2 et 20% du coût total du projet.
Les études ont montré que bien que la décision de construire durablement impacte les coûts directs, le gros de la différence se trouve au niveau des coûts indirects. La variation des coûts est le résultat de nombreux facteurs qu’il est important de présenter.

Les facteurs influençant les coûts en construction
Nous avons regroupé les facteurs en quatre grands groupes.
1. La ressource humaine
Au premier plan des projets de construction, la ressource humaine a un impact évidant sur eux. Les compétences des personnes impliquées dans le projet peuvent impacter le prix. Par exemple, avec un bon management et des équipes rapides et compétentes on évite les retards et donc les pénalités ce qui allège le prix de l’ouvrage. Aussi, la constitution des équipes fait varier la masse salariale à prévoir. Avoir un grand groupe de personnes très qualifiées coûte évidemment plus cher que d’avoir moins de personnes ou de compétences au sein de l’équipe. Cette valorisation du temps et des connaissances des personnes engagées sur le projet varie au cas par cas et influe sur le coût final de notre construction.
Dans le cas de la construction durable, il y a le besoin d’avoir plus de compétences et de personnes impliquées sur le projet. Par exemple, il faut compter des frais de consultance, d’administration et de personnel qualifié. Dans les régions où la construction durable n’est pas encore assez valorisée, trouver des profils pour ce genre d’initiatives requiert l’importation de compétences depuis l’étranger ce qui a aussi un coût.
2. Les matériaux et la technologie
Cette catégorie englobe les éléments tangibles utilisés pour construire et mettre en service le bâtiment. Ces éléments ont un impact direct sur les coûts de construction. D’une part, les matériaux de construction représentent souvent une part significative du budget total. Leur qualité, leur disponibilité et leur proximité joue sur leur prix et en utiliser de mauvais peut conduire à des problèmes lors de la construction. D’autre part, en ce qui concerne la technologie, sa spécificité fait grimper son coût et nécessite une ressource humaine qualifiée qui a aussi un coût.
Dans le cas de la construction durable, il y a besoin de technologies de pointe et de matériaux biosourcés qui sont généralement coûteux. De plus, les technologies durables ne sont pas assez éprouvées mondialement et coûtent donc plus chers que les pratiques traditionnelles.
3. Les méthodologies et processus
Mur banché, assemblage de briques en bétons et préfabrication: ce sont trois manières différentes de monter un mur qui sont utilisées dans différentes parties du globe. De manière plus générale, la méthodologie a un impact plus qu’évident sur le coût d’une construction. Utiliser des méthodes plus avancées permet d’aller vite, d’avoir plus de sécurité mais peut coûter plus cher tandis qu’opter pour des méthodes plus archaïques conduit à être moins rapide et précis mais surtout coûte moins cher.
A côté de cela, les processus administratifs ont des niveaux de complexité et surtout des coûts qui varient d’un territoire à un autre. Les exigences réglementaires et les démarches administratives nécessaires pour obtenir les permis de construction peuvent entraîner des retards et des coûts supplémentaires. Les tarifs liés à la documentation, aux inspections et aux taxes peuvent également s’accumuler tout au long du processus de construction. De plus, la gestion des contrats, des assurances et des exigences légales peut ajouter des frais administratifs substantiels. Les retards ou les erreurs dans la gestion administrative peuvent également entraîner des pénalités financières ou des litiges, augmentant ainsi les coûts globaux de construction.
Un dernier élément dans ce groupe est la chaîne d’approvisionnement en matériaux et en technologie. Les délais dans celle ci peuvent entraîner des retards de construction et augmenter les coûts liés aux frais de main-d’œuvre, à la location d’équipements et aux dépenses générales. De plus, les fluctuations des prix des matériaux de construction, souvent influencées par l’offre et la demande, les conditions économiques et les politiques mondiales impactent significativement les coûts des constructions. Les problèmes de qualité des matériaux livrés peuvent également entraîner des coûts supplémentaires liés à des retours, des remplacements ou des réparations.
Dans le cas de la construction durable, il faut des connaissances et des processus de construction et de mise en service adaptés qui sont encore rares. Des étapes s’ajoutent aux processus administratifs notamment celles liées aux certifications. D’ailleurs, dans les endroits avec une faible avancée technologique en la matière, la chaîne d’approvisionnement pour la construction durable est encore plus complexe.

4. L’écosystème du projet
Nous entendons par là tous les acteurs externes au projet qui agissent sur son financement. Ce sont entre autre les décideurs politiques à travers les lois et réglementations, les banques et les fonds d’investissement.
Dans le cas de la construction durable, une faible politique axée sur les pratiques plus vertes va évidemment endiguer leur vulgarisation. Dans le cas contraire, cela va populariser leurs approches et sensibiliser les populations. Avec des politiques incitatives et des aides, les acteurs externes poussent le passage à l’action des investisseurs encore dans le doute.

Remarque : ces facteurs agissent les uns sur les autres. Par exemple, le manque de connaissances en matière de construction durable crée un manque de main d’œuvre qualifiée qui aura besoin d’être importée ou former ce qui augmente les coûts.
Une mauvaise connaissance des bienfaits de la construction durable crée de la résistance et la recherche de solutions de substitution qui entrainent la non vulgarisation du domaine.
L’apport de subventions de la part d’acteurs externe pousse au passage à l’action et à la formation locale de main d’œuvre ce qui permet de réduire les prix.
Et au niveau des chiffres ?
Nous avons pu tirer de nombreux chiffres de notre étude:
- La répartition des coûts au niveau d’un projet de construction
Comme souligné plus haut, il est estimé que les coûts directs représentent entre 80 et 98% de l’investissement et les coûts indirects entre 2 et 20%. Ces différences s’expliquent par les composantes de ces coûts car les actions tangibles en plus d’être plus nombreuses sont le cœur même de la construction.
- La marge financière supplémentaire due au choix de la durabilité
C’est une donnée qui varie énormément d’une étude à une autre. Pendant que certains l’évaluent en moyenne entre 8 et 14%, d’autres parlent d’une augmentation de 2% seulement et certains même avancent qu’elle est négative c’est-à-dire que la construction durable s’est souvent avérée être moins chère que son homologue conventionnel.
Ces chiffres varient selon les types d’auteurs. Notons que les études universitaires montrent souvent que construire de manière écologique coûte plus cher, en se basant sur des données publiques. Par contre, les documents de l’industrie ne signalent pas ce surcoût de façon notable. En effet, les publications des consultants en écologie ou des groupes industriels qui encouragent la construction verte mettent l’accent sur les bénéfices environnementaux appuyés par de nombreuses recherches.
- Le gain sur le long terme de la durabilité
Même si l’investissement initial dans un projet de construction durable peut s’avérer conséquent, le gain sur le long terme attribuable à la performance des systèmes et de l’enveloppe d’un bâtiment durable est tout à fait considérable. En effet, le World Green Building Council évalue une réduction de 15% des coûts d’exploitation d’un tel bâtiment dès ses 5 premières années. D’ailleurs, un bâtiment durable est loué généralement plus cher et a une meilleure plus value lors de sa revente.
On constate que la construction durable peut s’avérer plus avantageuse financièrement notamment en ce qui concerne le long terme. D’ailleurs, elle a de nombreux autres avantages non pécuniers à ne pas négliger.
- Le confort optimal des occupants
La construction durable met un point d’honneur à atteindre des objectifs de confort et qualité de l’environnement intérieur. Cela permet aux occupants d’être plus productifs et plus à l’aise mais surtout d’éviter les nombreuses maladies. Au niveau locatif, les bureaux durables affichent des taux d’occupation plus élevés et un turnover plus faible. Les salariés se déclarent plus satisfaits de leur travail et s’avèrent plus productifs. Dans les écoles durables, les élèves apprennent mieux et sont protégés des maladies dues à la mauvaise qualité de l’air intérieur.
- La préservation des ressources
La construction durable offre une approche holistique pour préserver les ressources naturelles précieuses de notre planète. En privilégiant l’utilisation de matériaux recyclés, à faible impact environnemental et réduisant les déchets, elle contribue à minimiser la pression exercée sur les ressources naturelles telles que le bois, l’eau et les minéraux. De plus, en intégrant des technologies et des systèmes économes en énergie et en promouvant l’utilisation de sources d’énergie renouvelables, la construction durable réduit la demande en énergie et aide à préserver les ressources nécessaires à sa production. Elle contribue à maintenir la diversité biologique et à protéger les ressources naturelles associées en encourageant des pratiques de construction et de conception respectueuses de la biodiversité et des écosystèmes locaux
- Le respect de l’environnement
La construction durable joue un rôle essentiel dans le respect de l’environnement grâce à des pratiques et des technologies qui réduisent l’empreinte carbone, préservent les ressources naturelles et soutiennent la biodiversité. Elle contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental, en minimisant les déchets de construction et en intégrant des systèmes écoénergétiques.
Quelques recommandations pour atténuer le coût d’investissement de la construction verte
- Pour les investisseurs et maîtres d’ouvrage : favoriser des processus intégratifs qui permettent une meilleure conception et planification des projets.
- Pour les professionnels de la construction durable : participer à la promotion des connaissances afin de réduire les barrières idéologiques.
- Pour les décideurs et financeurs : inciter au passage à l’action en allégeant les charges des investisseurs.
- Faire la promotion des talents locaux et ressources locales : supprimer les frais d’importation permet de réaliser des économies substantielles.

Conclusion
Bien que les considérations climatiques soient adoptées par une grande partie des acteurs du monde de la construction, ces derniers peuvent se montrer réticents ou même impuissants face aux premiers coûts que la construction durable demande. Comprendre mais surtout optimiser les facteurs agissant sur les coûts des constructions vertes constitue un premier pas vers la levée de cette barrière. Des mesures doivent être prises afin de pousser le passage l’action des investisseurs et améliorer l’écosystème de la construction écologique.
Pour notre part nous pensons que la construction durable est une pratique désormais assez ancienne qui a fait ses preuves et qui mérite d’être vulgarisée pour atteindre non seulement nos objectifs en termes de durabilité mais aussi en termes d’impact social et sanitaire.
Sources
- M. Hu. (2024). GREEN BUILDING COST, The Affordability of Sustainable Design. Ed. Routledge.
- M. Hu, M. Skibniewski (2021). Green Building Construction Cost Surcharge: An Overview
- S. P. Singh, M. Katiyar, A. K. Sahu. (2020). Analyzing the Affordability of Green Buildings
- N.Abidin, N. Azizi. (2016). Identification of Factors Influencing Costs in Green Projects
- DÉCONSTRUIRE 13 IDÉES REÇUES SUR LA CONSTRUCTION DURABLE [lien]


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