Le Mjøstårnet (photo:© Ricardo Foto)
Le Mjøstårnet, conçu par Voll Arkitekter, est une prouesse architecturale de 18 étages située en Norvège. Avec ses 85,6 mètres de hauteur, cette tour abrite un hôtel, des logements privatifs et des espaces de bureaux, et se distingue par l’utilisation prédominante du bois comme matériau de construction. À sa livraison en 2019, il était considéré comme le plus haut bâtiment en bois du monde, maintenant surpassé par l’Ascent MKE aux États-Unis.
Dans cet article, nous explorerons différentes facettes de cet ouvrage unique, tout en comparant ses performances à celles d’un bâtiment équivalent en béton armé. Alors, qui sortira vainqueur de notre analyse ?
Analyse des matériaux de construction
le Mjøstårnet comporte une majorité d’éléments en bois provenant de la foresterie durable située à proximité. Il est constitué de bois d’épicéas et de pins qui sont des variétés d’arbres largement utilisés en construction en raison de leur résistance, leur légèreté, et leur coût économique. Leur abondance les rend accessibles, et leur croissance rapide soutient une gestion durable des forêts.
Environ 16000 arbres ont été abattus pour produire 4000 m3 de produits de bois. La construction est mixte avec de l’acier et des dalles en béton ajoutés afin de renforcer la structure.

Comparaison
Comparés aux bâtiments en béton, nous sommes sur des matériaux ayant un impact environnemental moins important tout en offrant une bonne qualité. Cependant, malgré ces avantages, le bois ne permet pas à lui seul de construire des tours de grande hauteur aujourd’hui.
Bois 1 – 1 béton
Analyse de la structure du bâtiment
la structure a été conçue en suivant les recommandations de l’Eurocode 5 qui donne les règles de conception et de calcul des structures en bois. Les poutres en façade, les poteaux et les poutres internes jouent un rôle essentiel dans la transmission des charges et le support de la structure. Ces éléments en bois sont renforcés et stabilisés par des techniques telles que le bois lamellé-collé (BLC), le bois lamellé-croisé (CLT) et le bois de placage lamellé (LVL) , qui améliorent les performances structurelles du bois.

Les bâtiments en bois sont légers et les accélérations horizontales induites par le vent doivent être soigneusement prises en compte. Pour Mjøstårnet, c’était l’un des aspects déterminants de la conception. Chaque façade est soutenue par des fermes qui, ensemble, confèrent au bâtiment la rigidité nécessaire pour résister aux forces du vent et gérer les déformations horizontales.

Comparaison
En faisant un parallèle avec un bâtiment semblable en béton, il faut noter que grâce au traitement du bois, une résistance équivalente peut être atteinte. Cependant, le bois traité, même s’il peut rivaliser en termes de résistance, se révèle moins efficace en quantité nécessaire : pour un volume égal, le béton armé surpasse le bois lamellé croisé (CLT) au niveau des performances structurelles. De plus, les fermes et autres éléments de bois structurels prennent de l’espace et doivent être esthétiquement placés dans les pièces, problème que l’on n’a pas au niveau d’un bâtiment en béton.
Bois 1 – 2 béton
Résilience face aux séismes
La Norvège est située loin des limites de plaques actives et son niveau de sismicité est faible à modéré. De petits tremblements de terre ( M < 4,0) se produisent régulièrement, tandis que des événements plus importants se produisent à des intervalles de plusieurs années.
La résistance aux séismes est alors un aspect crucial de la conception du Mjøstårnet. Les structures en bois utilisées pour la tour sont conçues pour être résilientes face aux tremblements de terre. D’ailleurs, le bois offre une certaine flexibilité qui peut aider à absorber une partie de l’énergie du tremblement de terre et à limiter les dommages.

Comparaison
Comparativement, en cas de dommages, la réparation de la structure en bois est généralement plus simple que celle d’une structure en béton. Les planches abîmées peuvent être remplacées tandis que la réparation des éléments en béton peut être plus complexe et nécessiter des travaux plus étendus.
Bois 1 – 2 béton
Résistance à l’humidité
Le bois est vulnérable à l’humidité et aux insectes. Dans le cas du Mjøstårnet cet aspect a été pris en compte dès la phase de conception. Le BLC utilisé est renforcé par une colle adhésive résistant à l’humidité. Durant la phase de construction, le bois a été protégé à l’aide couvertures plastiques et de plaques de bois et l’humidité a été contrôlée. Après l’installation, de l’air chaud a été distribué afin de sécher les structures de manière contrôlée.

Comparaison
Résister à l’humidité pour un bâtiment en bois nécessite plus de moyens et de techniques de conception qu’un bâtiment en béton du fait des propriétés intrinsèques des matériaux. Le bois est un matériau hygroscopique, ce qui signifie qu’il peut absorber et libérer de l’humidité de l’air environnant, affectant ainsi sa taille, sa forme et sa résistance structurale. Comparativement, le béton, grâce à sa porosité et sa densité moindres, présente une résistance naturelle plus élevée à l’humidité, bien que des précautions doivent toujours être prises pour éviter les infiltrations d’eau et la corrosion des armatures métalliques internes.
Bois 2 – 3 béton
Résistance au feu
Le rapport sur la stratégie anti-incendie du Mjøstårnet précise que la structure porteuse principale doit résister à un incendie pendant 120 minutes. Quant aux éléments secondaires, comme les planchers, ils doivent résister à 90 minutes de feu. Ces durées sont jugées suffisantes pour permettre l’évacuation du bâtiment. De plus, la structure doit résister à un incendie complet et éviter un effondrement total.

Comparaison
En cas d’incendie, les éléments en bois endommagés peuvent être rapidement remplacés, réduisant ainsi les coûts de réparation et facilitant une reprise rapide des activités. En revanche, dans un bâtiment en béton armé, les poutres en acier ont tendance à subir des déformations permanentes après une exposition prolongée au feu et leur remplacement est difficile.
Bois 3 – 3 béton
Efficacité thermique
La conductivité thermique est un paramètre désignant le pouvoir d’un matériau à laisser passer la chaleur. La conductivité thermique du bois (entre 0,1 et 0,16 W/mK) étant plus faible que celle du béton (entre 0,3 pour le plus travaillé et 2 W/mK pour l’ordinaire), les structures en bois permettent de mieux réguler la température intérieure, réduisant ainsi les besoins en chauffage et en climatisation. Ériger des tours comme le Mjøstårnet peut alors contribuer à faire des économies d’énergie tout en permettant une meilleure efficacité thermique du bâtiment.
Comparaison
Du fait des propriétés des matériaux, construire en bois peut contribuer à des économies d’énergie significatives et à une meilleure efficacité thermique du bâtiment.
Bois 4 – 3 béton
Impact environnemental
Selon les chiffres du CSTB, le plus gros poste carboné lors de la phase de construction d’un bâtiment est celui des matériaux avec 50% à 75% des émissions de CO2 qui sont dues aux matériaux de construction traditionnels (béton, acier, fer et verre).
En suivant des principes de conception comme ceux du Mjøstårnet, on réduit fortement l’empreinte carbone liée aux matériaux. En effet, en plus d’être issu de sites durables à proximité, le bois utilisé a la capacité de séquestrer le dioxyde de carbone atmosphérique réduisant encore plus l’impact carbone du bâtiment.
Comparaison
Le bois issu de foresteries durables est renouvelable, plus facilement recyclable et a en plus capté le CO2 de l’atmosphère durant sa croissance. D’ailleurs, sa transformation requiert moins d’énergie que celle du béton. En effet, la production de béton, impliquant l’extraction de matières premières et un processus de fabrication énergivore, génère une quantité significative de CO2 et d’autres polluants.
Bois 5 – 3 béton
Esthétisme
L’esthétique chaleureuse et naturelle du bois, ainsi que la flexibilité qu’il offre aux architectes permet d’obtenir des designs innovants et attrayants. Le Mjøstårnet a une élégance architecturale qui entre en résonnance avec les fonctions des pièces qui le composent.
Photos : Øystein Elgsaas
Comparaison
Le bois n’a rien à envier aux belles architectures réalisables avec les structures en béton !
Bois 6 – 4 béton
Coût
le Mjøstårnet a coûté environ 113 millions de dollars, soit 11% plus cher qu’un bâtiment équivalent en béton et acier.

Comparaison
En général, les bâtiments en bois peuvent présenter des coûts de construction plus élevés en raison du prix des matériaux et de la main-d’œuvre spécialisée, surtout pour des techniques comme le bois lamellé-croisé (CLT).
Bois 6 – 5 béton
Conclusion
Le bâtiment en bois est le grand vainqueur de notre comparatif grâce à la durabilité, la résilience et les performances intrinsèques des produits de bois.
Cependant, il est important de noter que cet article permet d’avoir un aperçu du potentiel des bâtiments en bois, notamment en analysant les performances directes et pas sur le cycle de vie du bâtiment et en utilisant des critères parfois globalisés. Une analyse approfondie des projets et une définition d’autres critères permettra de savoir quelle approche est la meilleure en fonction des cas.
Le Mjøstårnet est une prouesse dans le domaine de la construction des tours en bois qui nous fait nous interroger :
- Pourrons nous un jour construire des gratte ciels (40 étages minimum) totalement en bois ?
- Quels compromis faudra-t-il faire pour populariser ces formes de constructions ?






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