Les îlots de chaleur urbains (ICU) représentent l’un des défis majeurs auxquels les villes modernes sont confrontées. Ce phénomène météorologique localisé a des conséquences significatives sur le climat, l’environnement et la santé publique. Plongeons nous dans le monde des ICU pour identifier leurs causes, comprendre leur impact et explorer les solutions d’atténuation.
1. Définition des îlots de chaleur urbains
Les îlots de chaleur urbains sont des élévations localisées des températures, particulièrement des températures maximales diurnes et nocturnes, enregistrées en milieu urbain par rapport aux zones rurales ou forestières voisines ou par rapport aux températures moyennes régionales. Ils créent un effet de dôme thermique (masse d’air chaud emprisonnée dans une zone atmosphérique où la pression est accrue) et engendrent un microclimat artificiel au-dessus des villes où les températures peuvent alors atteindre jusqu’à 10°C au-dessus des températures moyennes régionales. Ce phénomène peut être particulièrement intense en période de canicule.

2. Les causes des ICU
Les îlots de chaleurs urbains résultent de nombreux facteurs.
- Le moment du jour :
Historiquement, les premières observations des ICU ont été rapportées à Londres par Luke Howard, un passionné de météorologie. Il a noté que la température de l’îlot variait en fonction du moment de la journée, avec une différence de 0,19°C le jour et 3,7°C la nuit entre le centre de Londres et ses environs. En règle générale, l’îlot de chaleur urbain commence à se développer en fin d’après-midi pour atteindre son pic au milieu de la nuit. Ceci s’explique par le fait que pendant la journée, l’énergie solaire est emmagasinée dans les matériaux urbains qui se réchauffent et émettent de la chaleur dans l’atmosphère. En milieu rural, le phénomène d’évapotranspiration, comme expliqué ultérieurement, favorise également la transmission de chaleur vers l’atmosphère, contribuant ainsi à réduire l’écart de température entre les deux zones. Alors que durant la nuit, l’évapotranspiration s’arrête et le climat en campagne est beaucoup plus froid contrairement à la ville où les matériaux libèrent la chaleur stockée durant la journée par rayonnement.

- L’occupation du sol et son albédo :
L’albédo, représentant l’indice de réfléchissement d’une surface (réflectivité + émissivité), joue un rôle majeur dans la formation des îlots de chaleur urbains. En raison de la densité, de la minéralité, et de la configuration du bâti, les zones urbaines absorbent considérablement plus d’énergie solaire que les zones environnantes. Selon les estimations de l’ADEME, plus de 40 % de la superficie d’une ville est constitué de surfaces foncées, très fréquemment de l’asphalte ou du béton. Ces revêtements ont un albédo très faible ce qui signifie qu’ils réfléchissent peu les rayons du soleil et emmagasinent de la chaleur qui est restituée durant la nuit.

- La circulation de l’air :
Un vent fort va favoriser la circulation de l’air et donc diminuer le réchauffement de la ville par un air chaud. A l’inverse, un vent faible entraîne une stagnation des masses d’air qui ont alors le temps de réchauffer le bâti. Par conséquent, plus le climat est calme et dégagé, plus l’intensité de l’îlot de chaleur urbain est marquée. L’agencement actuel des villes modernes, souvent en forme de « canyon » avec une densité élevée de structures, entrave la libre circulation de l’air.
- La chaleur anthropique :
l’activité humaine est source de production de chaleur. Les villes étant plus densément peuplées, elles subissent plus les effets thermiques de l’activité humaine (production de chaleur par les humains, la création de chaleur due aux activités pour le confort humain).
3. Les conséquences des ICU
Les îlots de chaleur urbains ont de nombreuses conséquences sur le plan météorologique, sanitaire et environnemental.
- Conséquences météorologiques :
Les ICU sont responsables de la formation de microclimats urbains et de changements météorologiques, tels que les brises de campagne. Pendant la nuit, l’air en milieu rural, plus froid et soumis à une pression atmosphérique plus élevée, est attiré vers les zones urbaines, créant ainsi le phénomène de brise de campagne.
- Impact sur la santé publique :
les ICU peuvent aggraver les problèmes de santé liés à la chaleur. Les températures excessives générées peuvent entraîner des problèmes de santé tels que les coups de chaleur, l’épuisement dû à la chaleur et d’autres affections liées à la surchauffe.

En outre, les brises de campagne mentionnées précédemment favorisent l’attraction des pollutants et des déchets présents dans l’air rural vers les zones urbaines, augmentant ainsi les risques respiratoires et les problèmes de qualité de l’air.
- Impact sur l’environnement :
Bien que les ICU n’aient pas d’impact direct sur l’environnement, ils entraînent des pratiques ayant des conséquences directes. Par exemple, la consommation accrue d’énergie pour le refroidissement (ou le chauffage, selon la localité) contribue au changement climatique. Il est important de souligner que la relation entre les causes et les conséquences des ICU est cyclique, chaque cause générant des conséquences qui nécessitent souvent une intervention liée à une autre cause pour être résolue.
4. Comment lutter contre les ICU
De nombreuses initiatives peuvent être prises afin d’atténuer les îlot de chaleur urbains.
- La végétalisation :
Grâce au phénomène d’évapotranspiration. Ce dernier est un processus biophysique qui implique le transfert de l’eau présente à la surface de la terre vers l’atmosphère. L’évaporation de l’eau du sol et la transpiration des plantes engendrent une réaction endothermique, contribuant ainsi au rafraîchissement de l’air.

En plus de cela les arbres créent de l’ombre, purifient l’air grâce à la photosynthèse, l’eau et les sols et un filtrage naturel des eaux pluviales.
- La réduction des surfaces imperméables :
Toujours dans la logique de réduction de chaleur par évaporation, augmenter les surface absorbant l’eau et l’insertion de surfaces d’eau aident à réduire les effets des ICU.
- Les revêtements urbains réfléchissants :
choisir des matériaux qui réfléchissent la lumière du soleil plutôt que de l’absorber. Par exemple la peinture blanche ou encore les toits très réfléchissants.

- La planification urbaine intelligente :
Intégrer des concepts de construction urbaine qui minimisent la chaleur (systèmes de rafraîchissement passifs, construction bioclimatique, matériaux et formes des bâtisses). Aussi agir sur les politiques de construction, en incitant les promoteurs immobiliers à construire des lotissements avec des espaces plus verts.
5. Quelques innovations liées aux ICU
Matériaux de construction innovants :
Enveloppes rétro-réfléchissantes : ces enveloppes pourraient jouer un rôle essentiel dans la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments et atténuer les effets des îlots de chaleur urbains. En renvoyant une partie du rayonnement solaire dans la direction d’origine, les enveloppes rétro-réfléchissantes peuvent considérablement diminuer l’effet radiatif entre les bâtiments proches les uns des autres, ainsi que l’impact radiatif sur les surfaces asphaltées des routes.
Revêtements carrossables perméables : ces revêtements, utilisés dans l’aménagement urbain, permettent le passage des véhicules tout en favorisant l’infiltration de l’eau dans le sol. Contrairement aux surfaces imperméables traditionnelles, ces revêtements encouragent la perméabilité et une gestion durable des eaux pluviales. Ils sont fréquemment adoptés pour réduire les risques d’inondations urbaines, promouvoir la recharge des nappes phréatiques et contribuer à une gestion globale des eaux de pluie. Les avantages incluent la réduction des ruissellements, la diminution des risques d’inondations, la préservation des ressources en eau et la promotion d’une gestion durable des eaux pluviales.
Intégration des microclimats dans les modélisations thermiques :
Le concept du « Digital Urban Climate Twin » (DUCT) implique la création d’une représentation numérique ou virtuelle d’une ville intégrant des données climatiques en temps réel. Cette approche novatrice vise à modéliser de manière détaillée et précise les conditions climatiques urbaines. À Singapour, par exemple, le projet « Cooling Singapore 2.0 – Digital Urban Climate Twin » vise à élaborer des scénarios dans des zones où les températures sont plus élevées, notamment en introduisant de nouveaux parcs et espaces ouverts.
Conclusion
En résumé, les îlots de chaleur urbains posent d’importants défis aux villes contemporaines, influençant le climat, l’environnement et la santé publique. Ces phénomènes résultent de divers facteurs tels que le moment de la journée, l’occupation urbaine et la circulation de l’air.
Leurs conséquences s’étendent des transformations météorologiques à des impacts directs sur la santé publique. Pour atténuer ces effets, diverses stratégies, de la végétalisation à l’utilisation de matériaux réfléchissants, sont envisageables. Des innovations ouvrent de nouvelles perspectives d’atténuation de ce phénomène.
En adoptant ces approches, les villes peuvent créer des environnements plus durables et agréables, minimisant les îlots de chaleur urbains et favorisant un avenir équilibré et résilient.
Sources :
- QU’EST-CE QU’UN ÎLOT DE CHALEUR ?. (2021). [lien]
- Ilot de chaleur urbain : définition, causes et conséquences. (2024). Notre-planete.info. [lien]
- Evapotranspiration. Wikipédia. [lien]
- Visualizing Heat Island Effect on the urban context with thermal imagery. (2022). W-Lab. [lien]
- Couleurs & matériaux. (2017). CHANGEMENTCLIMATIQUELENTIGO [lien]
- Cooling Singapore 2.0 – Digital Urban Climate Twin. (2024). NUS. [lien]
- Cool solutions for a hotter climate: Tackling urban heat island effect with innovation. (2023). PHUA SHI HUI. [lien]
- Revêtements innovants et solutions d’aménagement : retours d’expérience pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. (2022). Eiffage via construction21. [lien]
- J. Yuan, K. Emura, C. Farnham. (2016). Potential for Application of Retroreflective Materials instead of Highly Reflective Materials for Urban Heat Island Mitigation.


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